Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/122

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comme une plaie trop vive ou trop récente, à n’être pas même effleurées du regard ? Comment lui raconter cette crise de sensibilité inexplicable et cet ensorcellement de la nuit, dont j’avais trouvé le matin même à mon réveil le témoignage écrit ?

Je répondis par un mensonge : j’étais souffrant depuis quelques jours ; la chaleur de la veille m’avait donné une sorte de vertige, et je priais Madeleine d’excuser la sotte figure que j’avais faite en la rencontrant.

« Madeleine ! reprit Olivier ; mais nous n’avons pas de comptes à rendre à Madeleine… Il y a des choses qui ne la regardent plus. »

Il avait en disant cela un singulier sourire, avec un regard des plus pénétrants et des plus vifs. Quelque effort qu’il fît cependant pour lire au fond de ma pensée, j’étais bien sûr qu’il n’y verrait rien ; mais je comprenais aussi qu’il y cherchait quelque chose, et si je ne devinais pas quels étaient les sentiments très-présumables qu’Olivier me supposait en raisonnant d’après lui-même, je me vis l’objet d’une investigation qui me fit réfléchir et d’un soupçon qui m’embarrassa.

J’étais si parfaitement candide et ignorant que le premier éveil qui m’ait surpris au milieu de mes ingénuité me vint ainsi d’un regard inquiet