Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/123

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de ma tante, d’un sourire équivoque et curieux d’Olivier. Ce fut l’idée qu’on me surveillait qui me donna le désir d’en chercher la cause, et ce fut un faux soupçon qui pour la première fois de ma vie me fit rougir. Je ne sais quel indéfinissable instinct me gonfla le cœur d’une émotion tout à fait nouvelle. Une lueur bizarre éclaira tout à coup ce verbe enfantin, le premier que nous avons tous conjugué soit en français, soit en latin, dans les grammaires. Deux jours après ce vague avertissement donné par une mère prudente et par un camarade émancipé, je n’étais pas loin d’admettre, tant mon cerveau roulait de scrupules, de curiosités et d’inquiétudes, que ma tante et Olivier avaient raison en me supposant amoureux, mais de qui ?

La soirée du dimanche suivant nous réunit tous comme à l’ordinaire dans le salon de Mme Ceyssac. J’y vis paraître Madeleine avec un certain trouble ; je ne l’avais pas revue depuis le jeudi soir. Sans doute elle attendait une explication : moins que jamais je me sentais en disposition de la lui donner, et je me tus. J’étais affreusement embarrassé de ma personne et distrait. Olivier, qui ne se croyait aucune raison d’être charitable, me harcelait de ses épigrammes. Rien n’était plus inof-