Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/128

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et j’entrai hardiment, presque joyeux, comme si quelque chose en moi de craintif et de surveillé prenait ses vacances.

La maison était vide. Les domestiques allaient et venaient, comme étonnés, eux aussi, de n’avoir plus à se contraindre. On avait ouvert toutes les fenêtres, et le soleil de mai jouait librement dans les chambres, où toutes choses étaient remises en place. Ce n’était pas l’abandon, c’était l’absence. Je soupirai. Je calculai ce que cette absence devait durer. Deux mois ! cela me paraissait tantôt très-long, tantôt très-court. J’aurais souhaité, je crois, tant j’avais besoin de m’appartenir, que ce mince répit n’eût plus de fin.

Je revins le lendemain, les jours suivants : même silence et même sécurité. Je me promenai dans toute la maison, je visitai le jardin allée par allée ; Madeleine était partout. Je m’enhardis jusqu’à m’entretenir librement avec son souvenir. Je regardai sa fenêtre, et j’y revis sa jolie tête. J’entendis sa voix dans les allées du parc, et je me mis à fredonner, pour retrouver comme un écho de certaines romances qu’elle se plaisait à chanter en plein air, que le vent rendait si fluides et que le bruit des feuilles accompagnait. Je revis mille choses que j’ignorais d’elle ou qui ne m’avaient