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habitudes qui ne gênaient en rien les miennes, mais n’y ressemblaient nullement. Je fouillais les bibliothèques, je pâlissais de froid dans de graves amphithéâtres, et m’enfouissais le soir dans des cabinets de lecture où des misérables, condamnés à mourir de faim, écrivaient, la fièvre dans les yeux, des livres qui ne devaient ni les illustrer, ni les enrichir. Je devinais là des impuissances et des misères physiques et morales dont le voisinage était loin de me fortifier. J’en sortais navré. Je m’enfermais chez moi, j’ouvrais d’autres livres et je veillais. J’entendis ainsi passer sous mes fenêtres toutes les fêtes nocturnes du carnaval. Quelquefois, en pleine nuit, Olivier frappait à ma porte. Je reconnaissais le son bref du pommeau d’or de sa canne. Il me trouvait à ma table, me serrait la main et gagnait sa chambre en fredonnant un air d’opéra. Le lendemain, je recommençais sans ostentation, sans viser au martyre, avec la conviction ingénue que cet austère régime était excellent.

Au bout de quelques mois passés ainsi, je n’en pouvais plus. Mes forces étaient épuisées, et comme un édifice élevé par miracle, un matin, en m’éveillant, je sentis mon courage s’écrouler. Je voulus retrouver une idée poursuivie la veille, impos-