Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/247

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miracle échappé à la morsure des sensations venimeuses. « Allons, me dis-je, un tourment de plus ! » Je croyais avoir épuisé toutes les faiblesses. Mon amour apparemment n’était pas complet : il lui manquait un des attributs de l’amour, non pas le plus dangereux, mais le plus laid.

Je la vis entourée ; je me rapprochai d’elle. J’entendis autour de moi des mots qui me brûlèrent ; j’étais jaloux.

Être jaloux, on ne l’avoue guère ; ces sensations ne sont pas cependant de celles que je désavoue. Il est bon que toute humiliation profite, et celle-ci m’éclaira sur bien des vérités ; elle m’aurait rappelé, si j’avais pu l’oublier, que cet amour exalté, contrarié, malheureux, légèrement gourmé et tout près de se piquer d’orgueil, ne s’élevait pas de beaucoup au-dessus du niveau des passions communes, qu’il n’était ni pire ni meilleur, et que le seul point qui lui donnait l’air d’en différer, c’était d’être un peu moins possible que beaucoup d’autres. Quelques facilités de plus l’auraient infailliblement fait descendre de son piédestal ambitieux ; et comme tant de choses de ce monde dont l’unique supériorité vient d’un défaut de logique ou de plénitude, qui sait ce qu’il serait de-