Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/246

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froid, puis, s’interrompant au milieu d’une phrase qui ne voulait rien dire, elle se rapprocha de son fauteuil, y prit une écharpe de dentelles, et le plus naturellement du monde elle s’en couvrit.

Ce seul geste pouvait signifier bien des choses ; mais je voulus n’y voir qu’un acte ingénu de condescendance et de bonté qui me la rendit plus adorable que jamais et me bouleversa pour le reste de la soirée. Elle-même en garda pendant quelques minutes un peu d’embarras. Je la connaissais trop bien aujourd’hui pour m’y tromper. Deux ou trois fois je la surpris me regardant sans motif, comme si elle eût été encore sous l’empire d’une sensation qui durait ; puis des obligations de politesse lui rendirent peu à peu son aplomb. Le mouvement du bal agit sur elle et sur moi en sens contraire : elle devint parfaitement libre et presque joyeuse ; quant à moi, je devins plus sombre à mesure que je la voyais plus gaie, et plus troublé à mesure que je découvrais en elle des attraits extérieurs qui d’une créature presque angélique faisaient tout simplement une femme accomplie.

Elle était admirablement belle, et l’idée que tant d’autres le savaient aussi bien que moi ne fut pas longue à me saisir le cœur aigrement. Jusque-là, mes sentiments pour Madeleine avaient par