Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/251

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mait plus qu’une sorte de brouillard lumineux, composé de la fine poussière odorante et des impalpables vapeurs du bal. Il y avait sur les meubles, sur les tapis, des débris de fleurs, des bouquets défaits, des éventails oubliés, avec des carnets sur lesquels on venait d’inscrire des contredanses. Les dernières voitures roulaient dans la cour de l’hôtel ; j’entendais relever les marchepieds et le bruit sec des panneaux vitrés qu’on fermait.

Je ne sais quel rapide retour vers une autre époque où nous nous étions si souvent trouvés tous les quatre en pareil rapprochement, mais dans des situations si différentes et dans une simplicité de cœur à tout jamais perdue, me fit jeter les yeux autour de moi et résumer en une seule sensation tout ce que je vous dis là. Je me détachai assez de moi-même pour envisager, comme un spectateur au théâtre, ce tableau singulier composé de quatre personnages groupés intimement à la fin d’un bal, s’examinant, se taisant, donnant le change à leurs pensées par un mot banal, voulant se rapprocher dans l’ancienne union et trouvant un obstacle, essayant de s’entendre comme autrefois et ne le pouvant plus. Je sentis parfaitement le drame obscur qui se jouait entre nous. Chacun y tenait un rôle, dans quelle mesure ? je