Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/252

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l’ignorais ; mais j’avais assez de sang-froid désormais pour affronter les dangers de mon propre rôle, le plus périlleux de tous, du moins je le croyais, et j’allais avec audace rentrer dans les souvenirs du passé en proposant de finir la nuit par un des jeux qui nous amusaient chez ma tante, quand, les derniers joueurs partis, M. d’Orsel et M. de Nièvres revinrent au salon.

M. d’Orsel nous traitait tous comme des enfants, y compris sa fille aînée, que par un calcul de tendresse il se plaisait à rajeunir encore et remettait en minorité par des noms qui rappelaient le couvent. M. de Nièvres entra plus froidement, et la vue de ce quatuor intime sembla produire sur lui un tout autre effet. Je ne sais si ce fut imaginaire ou réel, mais je le trouvai guindé, sec et tranchant. Son maintien me déplut. Avec sa cravate un peu haute, sa mise irréprochable, cet air toujours un peu particulier d’un homme en tenue de cérémonie qui vient de recevoir et se sent chez lui, il ressemblait encore moins au chasseur aimable et négligé qui avait été mon hôte aux Trembles, que Madeleine, avec la rosace étincelante de son corsage et sa magnifique chevelure étoilée de diamants, ne ressemblait à la modeste et intrépide marcheuse qui nous suivait, un mois auparavant,