Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/268

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des chemins très-opposés nous nous rencontrerons un jour au même but, tous deux découragés et sans famille, » ajoutai-je, en disant le mot de famille au lieu d’un mot plus clair encore qui me vint aux lèvres.

Madeleine avait les yeux baissés sur sa broderie, qu’elle piquait un peu au hasard de son aiguille. Elle avait complètement changé de visage, d’allure ; son air, encore une fois soumis et désarmé, m’attendrit jusqu’à me faire oublier le but insensé de ma visite.

« Comprenez-moi bien, reprit-elle avec un léger trouble dans la voix. Il y a pour tout le monde, on le dit, je le crois… (elle hésitait un peu sur le choix des mots) il y a un moment difficile pendant lequel on doute de soi, quand ce n’est pas des autres. Le tout est d’éclaircir ses doutes et de se résoudre. Le cœur a quelquefois besoin de dire : Je veux ! — du moins je l’imagine ainsi pour l’avoir éprouvé déjà une fois, — dit-elle en hésitant encore davantage sur un souvenir qui nous rappelait à tous deux l’histoire entière de son mariage. On cite une marquise du commencement de ce siècle, qui prétendait qu’en le voulant bien on pouvait s’empêcher de mourir. Elle n’est peut-être morte que d’une distraction. Il en est ainsi de