Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/315

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sine, ce qui est peut-être une raison pour qu’elle me plaise un peu moins qu’une autre. Je l’ai toujours connue. Nous avons pour ainsi dire dormi dans le même berceau. Il y a des gens que cette quasi fraternité pourrait séduire. Moi, cette seule pensée d’épouser quelqu’un que j’ai vue poupée me paraît comique comme l’idée d’accoupler deux joujoux. Elle est jolie, elle n’est pas sotte, elle a toutes les qualités que tu voudras. M’adorant quand même, et Dieu sait si je me rends adorable ! elle sera d’une constance à toute épreuve ; je serai son culte, elle sera la meilleure des femmes. Une fois satisfaite, elle en sera la plus douce ; heureuse, elle deviendra la plus charmante… Je n’aime pas Julie ! je ne l’aime pas, je ne la veux pas. Si cela continue, je la haïrai, dit-il en s’exaspérant de nouveau. Je la rendrais malheureuse d’ailleurs, horriblement malheureuse ; le beau profit ! Le lendemain de mes noces, elle serait jalouse, elle aurait tort. Six mois après, elle aurait raison. Je la planterais là, je serais impitoyable ; je me connais, et j’en suis sûr. Si cela dure, je m’en irai ; je fuirai plutôt au bout du monde. Ah ! l’on veut s’emparer de moi ! On me surveille, on m’épie, on découvre que j’ai des maîtresses, et ma future femme est mon espion !