Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/356

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petites pâmoisons la fissent tressaillir à chaque pas. Ce jour-là même, elle voulut sortir en voiture. Nous la conduisîmes dans les allées les plus douces du bois. Il faisait beau. Elle en revint ranimée, rien que pour avoir respiré la senteur des chênes, dans de grands abatis chauffés par un soleil clair. Elle rentra méconnaissable, presque avec des rougeurs, tout émue d’un frisson fiévreux, mais de bon augure, qui n’était que le retour actif du sang dans ses veines appauvries. J’étais consterné de la voir renaître ainsi pour si peu, d’un rayon de soleil d’hiver et d’une odeur résineuse de bois coupé ; et je compris qu’elle s’acharnerait à vivre avec une obstination qui lui promettait de longs jours misérables.

« Parle-t-elle quelquefois d’Olivier ? demandai-je à Madeleine.

— Jamais.

— Elle pense à lui constamment ?

— Constamment.

— Et cela durera, vous le croyez ?

— Toujours, » répondit Madeleine.

Aussitôt affranchie du trop réel souci qui depuis trois semaines l’attachait au chevet de Julie, Madeleine eut l’air de perdre tout à coup la raison. Je ne sais quel étourdissement la prit qui la ren-