Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/363

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seaux s’éveillaient et gloussaient dans les roseaux. Longtemps après, une sensation de froid intense me rappela un peu à moi-même. Je rentrai : je refermai les portes avec la dextérité des somnambules ou des voleurs, et je me jetai tout habillé sur mon lit.

J’étais debout avec le jour, me souvenant à peine du cauchemar qui m’avait fait errer toute la nuit, et me disant : « Je pars aujourd’hui. » J’en informai Madeleine aussitôt que je la vis.

« Comme vous voudrez, » répondit-elle.

Elle était horriblement défaite et dans une agitation de corps et d’esprit qui me faisait mal.

« Allons voir nos malades, » me dit-elle un peu après midi.

Je l’accompagnai, et nous nous rendîmes au village. L’enfant que Julie soignait et qu’elle avait pour ainsi dire adopté était mort depuis la veille au soir. Madeleine se fit conduire auprès du berceau qui contenait le petit cadavre, et voulut l’embrasser ; puis au retour elle pleura abondamment, et répéta le mot enfant avec une douleur aiguë qui m’en apprenait bien long sur un chagrin qui rongeait sa vie et dont j’étais impitoyablement jaloux.

Je m’y pris de bonne heure pour faire mes adieux à Julie et adresser à M. d’Orsel des remer-