Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/362

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sous le coup d’alarmes très-vives, poussé machinalement à Nièvres et m’y avait fait tomber comme un accident, peut-être comme une catastrophe, me promenait encore, au milieu de la nuit, dans cette maison confiante et endormie, m’amenait jusqu’à la chambre à coucher de Madeleine, et m’y faisait buter comme un homme qui rêve. Étais-je un malheureux à bout de sacrifices, aveuglé de désirs, ni meilleur ni pire que tous mes semblables ? étais-je un scélérat ? Cette question capitale me travaillait vaguement l’esprit, mais sans y déterminer la moindre décision précise qui ressemblât soit à de l’honnêteté, soit au projet formel de commettre une infamie. La seule chose dont je ne doutais pas, et qui cependant me laissait indécis, c’est qu’une faute tuerait Madeleine, et que sans contredit je ne lui survivrais pas une heure.

Je ne saurais vous dire ce qui me sauva. Je me retrouvai dans le parc sans comprendre ni pourquoi ni comment j’y étais venu. Comparativement à l’obscurité totale des corridors, il y faisait clair, quoiqu’il n’y eût, je crois, ni lune ni étoiles. La masse entière des arbres ne formait que de longs escarpements montueux et noirs, au pied desquels on distinguait les sinuosités blanchâtres des allées. J’allais au hasard, je côtoyais les étangs. Des oi-