Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/91

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Et en disant cela il me montrait la lettre.

« Aujourd’hui le succès ne dépend que d’un petit effort, et j’en ai fait de plus grands ; vous êtes là pour le dire, vous qui m’avez vu à l’œuvre. Écoutez-moi, mon cher Dominique : dans trois jours, vous serez un collégien de seconde, c’est-à-dire un peu moins qu’un homme, mais beaucoup plus qu’un enfant. L’âge est indifférent. Vous avez seize ans. Dans six mois, si vous le voulez bien, vous pouvez en avoir dix-huit. Quittez les Trembles et n’y pensez plus. N’y pensez jamais que plus tard, et quand il s’agira de régler vos comptes de fortune. La campagne n’est pas faite pour vous, ni l’isolement, qui vous tuerait. Vous regardez toujours ou trop haut ou trop bas. Trop haut, mon cher, c’est l’impossible ; trop bas, ce sont les feuilles mortes. La vie n’est pas là ; regardez directement devant vous à hauteur d’homme, et vous la verrez. Vous avez beaucoup d’intelligence, un beau patrimoine, un nom qui vous recommande ; avec un pareil lot dans son trousseau de collége, on arrive à tout. — Encore un conseil : attendez-vous à n’être pas très-heureux pendant vos années d’études. Songez que la soumission n’engage à rien pour l’avenir, et que la discipline imposée n’est rien non plus quand on a le bon