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l’homme à l’hispano

quelles Polynésies, quelles Indes du temps de La Bourdonnais. Des ruches de maisons marinières prennent dans les soleils couchants un aspect d’estampes japonaises ; mais, soudain, vers le milieu du grand espace salé, on quitte l’Asie pour l’Égypte. Des voiles primitives glissent sur les larges fleuves, créés par la descente de là marée et l’affleurement des îles de sable, tout à l’heure à peu près disparues. Voici vraiment le Nil. Bientôt surgit le domaine de l’huître, tandis que, dans le ciel verdi, passent les triangles des migrateurs. Quelquefois, à deux brasses du bateau léger, des monstres agiles crèvent le toit des eaux. Ce sont les grands marsouins au dos de saphir noir qui se jouent dans le crépuscule.

Stéphane dit à Dewalter qu’ils devraient louer une villa sur ces rives enchanteresses, mais il lui représenta qu’ils risquaient de se heurter à des mobiliers bien fâcheux. Elle rit de reconnaître à cette réponse le raffinement de son goût. Le soir, il se plaignit injustement de l’hôtel. Pour la première fois, elle l’entendait se plaindre de quelque chose. Elle en fut frappée. Elle craignit que son amant fût gêné par le manque de leur faste habituel. Mais la contrée la séduisait :

— J’achèterai un terrain, dit-elle. Tu feras bâtir sur ce terrain un petit palais selon nos goûts. Ainsi nous pourrons revenir.

Elle s’amusait d’avance à combiner les plans et à imaginer une demeure précieuse. Elle se dres-