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l’homme à l’hispano

n’entend que les voix stridentes et régulières des insectes qui travaillent dans les hautes branches.

Ils s’éloignèrent des rivages. Des buissons à mûres croissaient, des genêts épineux et des bruyères, d’où le pas des chevaux et des hommes provoquait la fuite molle des couleuvres. De rares oiseaux se dispersaient sans autre bruit que celui de leurs ailes courtes. Personne. De temps en temps, une maison de bois qui semblait inhabitée, mais, sur les chemins, des ornières récentes, la marque légère d’un pied de mulet, un puits, témoignaient que la vie humaine n’est point bannie de cette région inanimée. Georges et Stéphane, étonnés de leur solitude, la parcoururent jusqu’au soir, Ils avaient loué une voiture à sable. Elle avait de larges roues, faites pour vaincre le sol fluide. Deux animaux la tiraient en flèche. Un cocher gascon les excitait de la voix quand il fallait grimper les collines.

Comme le soir s’annonçait, ils firent halte non loin des dunes, sur le sommet desquelles on a l’impression du désert. Des nuées, accourues du large, s’amoncelaient, si proches de la terre qu’elles semblaient risquer des déchirures à la pointe des arbres. De minute en minute, la lumière devenait plus livide et il n’y eut bientôt plus qu’une teinte de plomb sur tout ce que les yeux pouvaient découvrir : l’immédiate forêt, l’océan dont la fureur naissante jetait là-bas ses poudres d’écume, les lèpres sableuses des passes