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l’homme à l’hispano

à l’entrée du bassin et le calme insidieux de sa masse liquide, derrière elles. Une sorte de suaire descendait sur la terre, sur les eaux, et, par instants, comme la respiration d’un dieu, une grande baleine tiède et lente circulait entre les pins. Ils devenaient extraordinaires.

Pour panser les longues blessures qui, du sol, montaient jusqu’à hauteur d’homme sur les troncs de ces écorchés, la résine séchante avait recouvert les entailles d’un enduit argenté. Dans l’ombre agrandie où se perdaient maintenant les cimes indéterminées des bois, où les arbres eux-mêmes n’étaient plus que des fûts obscurs, ces traces demeuraient seules visibles, à la fois laiteuses et brillantes. Elles surgissaient par centaines et s’allumaient comme des cierges à mesure que se perdaient tous les autres détails de la forêt. On les voyait se tordre sans bouger, selon la forme exacte de leur dessin, le long des coupes résineuses. Au-dessus d’elles, les ténèbres envahissantes, et formées par le toit des branches, faisaient un plafond. Alors, on eût dit que, dans un souterrain, des couloirs se multipliaient, éclairés par dès torches. Une averse hautaine, qu’on ne sentait pas sous la protection des végétations, mais dont le bruit semblait un grignotement de rats sur les aiguilles supérieures, semblait vouloir éteindre cette illumination funéraire. Elle crépitait dans le silence et, vers la mer, elle tombait sur la plage en larges gouttes