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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/234

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l’homme à l’hispano

espacées. Tout l’horizon, au large, s’était recouvert d’un crêpe gris, sinueux, aux amples plis soulevés par les ondulations du vent, et seules, de plus en plus, dans la futaie, les cicatrices verticales s’imposaient aux regards. On les apercevait à l’infini, comme un incendie figé ou connue de blancs religieux aux formes imprécises dans une cathédrale sans limites.

Contre Georges, Stéphane s’était serrée, ne trouvant pas une parole pour exprimer le saisissement que faisait naître en elle tant de funèbre beauté. Il la sentait frémir à son bras. Comme elle, il se taisait, ne sachant plus l’heure ni le lieu. Hors de lui-même, il lui sembla que sa destinée s’annonçait, que sa mort était décidée, et qu’il voyait, vivant, se dérouler ses funérailles » Immobile, il contemplait cette forêt, tout à l’heure solaire, et maintenant transformée en crypte éclairée, par l’apparence naturelle de l’enduit blanc, sur les blessures des vieux arbres, dans la pluie légère et la nuit. Il frissonnait, et il dut faire un effort pour ne pas crier, pour ne pas répandre en Stéphane le trouble affreux qu’il ressentait. Mais le cocher parla de sa voix gasconne et, joyeux, il dit :

— Voici les étoiles !

Le ciel, brusquement, s’éclaircit. Une odeur de résine fraîche, de terre, de coquillages prochains, acheva de dissiper les fantômes et l’on aperçut de nouveau sur l’Océan la lueur vivante du couchant,