Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
l’homme à l’hispano

quets. Un gave nerveux, au fond rapproché, parfois écumant parmi les pierres qu’il ronge, coulait au bas des murs qui soutiennent la haute ville. En abaissant les regards, on découvrait la gare hideuse et le paysage en était gâché. Mais, dans l’ensemble des vastes tableaux exposés à la vue, ces premiers plans misérables disparaissaient. Tout de suite la plaine courait jusqu’aux coteaux, sillonnée de routes gracieuses. On apercevait des villas et des châteaux sur les flancs boisés des hauteurs. Plus loin, toute la chaîne glacière des grandes montagnes s’élevait et, derrière elles, c’était un autre monde, l’Espagne qui ne change pas, protégée par cette muraille sublime, la vraie barrière, et la seule, entre l’Asie, l’Europe et les empires de l’Afrique. De l’ouest à l’est, sans une fissure, elle se dressait dans ses formes éternelles, mais la lumière des minutes ne cessait de la transformer. Tout à l’heure étincelante et d’une blancheur crue, des nuées de roses s’abattaient maintenant sur les sommets et, brusquement, ils eurent l’air de s’enflammer. Ils flamboyaient. Dans la gloire fatiguée du jour, le vieux soleil courait de montagne en montagne en allumant des incendies.

Georges, quittant des yeux le vaste déroulement des Pyrénées, regarda autour de lui. Sur les bancs de la promenade, des vieillards, indifférents à tant de beauté, somnolaient dans la tiédeur molle du boulevard ; des malades aux