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NOTICE SUR FRONTIN

tiennent aux superstitions des anciens, restera comme une œuvre utile. Nous pourrions dire tout le parti qu’en ont tiré les écrivains militaires des temps modernes, Machiavel, Feuquières, Folard, Cessac, Santa-Cruz, Jomini, etc. Le colonel Carion-Nisas, qui a fait une consciencieuse étude de l’art stratégique chez les anciens, dit[1] que Frontin est, comme écrivain, généralement homme de grand sens, quelquefois homme de génie ; et, ainsi que Daunou, il le place bien au-dessus de Polyen, qui ne soumet à aucun ordre méthodique les huit cent trente-trois faits qu’il rapporte, et n’offre à ses lecteurs aucun enseignement, pas une seule induction.

Pour donner une idée juste du traité des Aqueducs dans son ensemble, et du but que se proposait l’auteur, nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter quelques lignes à un mémoire publié par M. Naudet sur la Police chez les Romains. Après avoir dit dans quelle circonstance le premier aqueduc fut établi à Rome, le savant académicien ajoute[2] : « Cette création fut un trait de lumière pour les Romains, qui eurent toujours, depuis, un soin particulier de l’aménagement des eaux. J. Frontinus nous épargnera toute recherche à ce sujet. Nerva[3] l’avait nommé intendant général des eaux de la ville ; le nouveau magistrat jugea qu’il était de son devoir de se mettre en état de conduire ses subalternes, au lieu de s’abandonner à leur conduite, et qu’ils deviendraient tous des instruments utiles, s’il était lui-même l’ordonnateur de fait, comme de nom. Pour cela, il voulut s’instruire à fond de la matière ; il l’étudia dans son état actuel, il remonta aux origines, il recueillit les lois et les usages, et de ce travail consciencieux et éclairé il résulta un petit traité plein de curieux documents, un des livres les plus précieux que l’antiquité nous ait laissés. Quels avantages dans la pratique, et quelles richesses pour l’histoire, si les magistrats avaient toujours pensé comme J. Frontinus ! »

Frontin ayant lui-même exposé le plan de son livre[4], nous n’essayerons pas d’en donner l’analyse. Nous dirons seulement, sans nous prendre d’un fol enthousiasme pour notre auteur, que cet ouvrage offre de l’intérêt, même dans les parties purement statistiques, telles que l’indication des distances entre chaque prise d’eau et la ville, le dénombrement des canaux,

  1. Essai sur l’hist. de l’art militaire, t. Ier, p. 288.
  2. Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques, t. iv, p. 839.
  3. Le texte de M. Naudet porte Néron, sans doute par la faute du typographe.
  4. Voyez ch. iii.