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Page:Fulbert-Dumonteil - Portraits zoologiques.pdf/31

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LE RENNE

ces destructeurs éternels et maudits, ce fléau des régions hyperboréennes.

Les petits Rennes forment un troupeau à part, sous la haute surveillance d’un vieux Renne qui les guide et qui les garde, préside à leurs jeux, apaise leurs disputes, les instruit à la gymnastique des montagnes, les conduit au pâturage, comme on mène un pensionnat à la promenade, ou des enfants de troupe à l’exercice.

Rien de gracieux et de charmant, de plus joliment étonné, de plus curieusement éveillé que le petit Renne : on dirait, quand sa tête naïve et crépue apparaît derrière un rocher, qu’elle sort d’un œuf de Pâques. C’est plaisir de voir ce bambin des glaciers se rouler sur la neige, cabrioler au bord des abîmes, s’arrêter, frissonnant et surpris, à la vue de deux Rennes entrelaçant avec colère et fracas leurs puissantes ramures : un arbre contre un arbre.

On m’a assuré que la Laponie norvégienne possédait encore près de cent mille Rennes domestiques répartis entre deux mille propriétaires. Il n’est pas rare de rencontrer des troupeaux errants de trois à quatre mille têtes ; le sol en est mouvant et gris, et comme planté d’une forêt ambulante. Un bruit de grelots résonne dans les champs de neige : c’est un traîneau qui file, un Renne qui passe comme un trait. Vue perçante, ouïe extraordinaire, odorat merveilleux, les sens du Renne sont parfaits ; mais rien n’égale la vitesse et la légèreté de son pas : il ne court pas, il glisse ; il ne traverse pas, il franchit.

Pareil à une flèche, il descend des montagnes neigeuses et s’élance dans les plaines glacées qui craquent, s’entr’ouvrent, et où il n’y a d’autre salut que la rapidité même de cette course, j’allais dire de ce vol vertigineux.