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Page:Fulbert-Dumonteil - Portraits zoologiques.pdf/36

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PORTRAITS ZOOLOGIQUES.

c’est sa langue, la mieux pendue, certainement, qui ait jamais babillé dans les forêts américaines.

Rien de flexible et d’harmonieux, de varié, de comique, de stupéfiant, comme cette voix qui se fait l’écho spirituel et moqueur de tous les sons, de tous les cris, de tous les chants, de tous les bruits.

Il siffle, brame, hennit, croasse, miaule, bourdonne, soupire, mugit, bêle, aboie. On dirait qu’il a avalé toute une ménagerie, qu’il porte la tour de Babel dans son gosier. On l’écoute, et l’on croit assister à un concert de l’arche de Noé.

Imitateur incomparable, critique infatigable et joyeux, il jette l’ironie de sa voix, à tous vents, contrefait ceux-ci, se rit de ceux-là, et se moque de tout le monde. Son talent égale sa malignité ; entre l’Oiseau moqueur et le geai, il y a la différence qui sépare un artiste d’un cabotin.

L’Oiseau moqueur a élevé la parodie à la hauteur d’un chant. Mais il a son chant à lui, dont aucun oiseau n’oserait se moquer, des airs charmants qu’il crée, qu’il improvise, en se jouant d’arbre en arbre. Alors il est sérieux, convaincu, inspiré. Il chante avec conscience, avec amour, quelque tendre chanson qu’on écoute et qu’on répète sous la feuillée.

Mais bientôt, revenant à ses tons railleurs, à ses fantaisies compliquées et bizarres, il imite le bruit du tonnerre, le galop d’un cheval, le chant d’un confrère, ou le grincement d’un violon campagnard. Après l’émotion, le bruit ; après