Aller au contenu

Page:Fulbert-Dumonteil - Portraits zoologiques.pdf/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
PORTRAITS ZOOLOGIQUES.

nativement blanches et noires, forment comme un jeu de dames. Cela ressemble à une toile de matelas, et l’on pourrait jouer aux échecs sur ses ailes demi-deuil.

Le Martin-chasseur d’Australie ne brille pas à côté de notre Martin-pêcheur. Son plumage est sombre comme la bure d’un moine, son corps alourdi, ses jambes courtes, sa tête énorme et son bec prodigieux. Il sautille tout d’un bloc et titube comme un ivrogne. On craint toujours que sa grosse tête ne l’entraîne en avant et ne lui fasse faire la culbute. Son grand bec, sans cesse entr’ouvert comme les lames disjointes d’une paire de ciseaux, ajoute encore à son air grotesque et badaud.

C’est un oiseau bruyant et jovial, bavardant, jacassant et riant aux éclats. Sa voix n’est pas moins bizarre que sa personne. Il ne saurait sortir de plus étranges sons d’un plus étrange bec.

Il aime beaucoup la société. Au retour de la chasse, on voit des troupes de Martins-chasseurs se réunir en cercle, tenir conseil, babiller tous à la fois, comme s’ils se racontaient les aventures de la journée et faire retentir le silence des bois de leurs bruyants éclats de rire. Heureux oiseaux !

Mais, qui sait ! ce n’est peut-être là qu’une gaieté factice.

Le Martin-chasseur pourrait bien être un philosophe qui rit de sa difformité, de crainte d’être obligé d’en pleurer…