toit payé, et elle la porta soudain à son pere, à qui elle crut qu’elle s’adressoit. Car elle avoit accoustumé d’en recevoir souvent pour luy, et n’en avoit jamais receu pour elle ; de sorte qu’elle ne songea pas seulement à lire l’adresse, quoy que je ne sçache pas précisément s’il y en avoit. Vollichon l’ouvrit et la leût, et en mesme temps sousrit de la naïfveté de sa fille, et admira le bel esprit de celuy qu’il destinoit pour son gendre, qui écrivoit en un style si magnifique et si peu commun. Le laquais s’en retourna donc sans réponse. Bedout luy demanda où il s’estoit amusé si long-temps, et le cria fort de ce qu’il avoit tant tardé à revenir. Je me suis arresté à voir de petites demoiselles pas plus hautes que cela (dit le laquais en monstrant la hauteur de son coude), que tout le monde regardoit au bout du Pont-Neuf, qui se battoient. Or ce beau spectacle estoit qu’il avoit veu la monstre des marionettes, qu’il croyoit ingenument estre de chair et d’os, et animées. Bedout ne pouvant donc pas apprendre d’un laquais si spirituel comme sa maistresse avoit receu son ambassade, resolut de l’aller voir sur le soir en personne. S’il y eust esté seul, il auroit peut estre eu la mesme peine à y estre receu que Nicodeme ; mais c’est ce qu’il n’avoit garde de faire. Il falloit mesme que son amour fust desja bien violente pour luy faire entreprendre d’y aller avec une bonne et seure introduction. Il pria donc sa cousine Laurence d’aller rendre à madame Vollichon sa visite, et de trouver bon qu’il luy servît d’escuyer. Laurence fut ravie de luy rendre ce service, et mesme rendit grace à Dieu de ce qu’elle voyoit son cousin si changé, n’ayant pas creû qu’il peust jamais avoir la hardiesse d’aller voir sa maistresse. Elle fut fort bien
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