Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/125

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mains ; je n’ai qu’un peloton de laine, pour faire ma tapisserie. Mais quoy (reprit Nicodeme), n’avez-vous pas dessein de me faire mourir mille fois par les cruelles longueurs que vous apportez à me rendre heureux ? car quand je vois vostre tapisserie en vos mains, je crois voir encore la toile de Penelope ? Je ne sçais comment sont faites vos toiles de Peneloppe (repliqua Javotte) ; je n’en ay point veu chez pas une lingere de Paris ; et pour le reste, ce n’est point de moy que cela dépend. S’il en dépendoit, je vous asseure que ce ne seroit encore de long-temps. Madame Vollichon, qui prestoit l’oreille à cet entretien, dit là dessus, prenant la parole : Vrayman, vrayman, vous avez tout le loisir de mascher à vuide. Je me garderay bien de passer outre jusqu’à ce que j’aye fait d’autres enquestes. Vous voyez (adjousta son mari), elle n’est encore qu’à la premiere des enquestes ; mais je ne me soucie pas qu’elle passe par toutes les chambres, pourvu qu’elle n’aille point à la Cour des aydes. Ha Monsieur (interrompit Laurence), vous avez une trop honneste femme pour avoir rien à craindre de ce costé-là. Je le crois (dit Vollichon), mais ces bonnes ménageres sont fort à craindre, qui font que leurs maris ont leur provision de bois sans aller la chercher sur le port.

Vous auriez esté bon du temps du vieux Testament (dit Nicodeme) ; vous ne parlez que par figures. Il faudra donc (interrompit Bedout) ne prendre ses parolles que dans le sens tropologique30. Est-ce là du latin (dit


30. Chercher le sens tropologique, c’est, sous la figure, le trope, la parabole, démêler le sens moral, ce qui est très nécessaire pour l’Écriture.