Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/158

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la mesme chose qu’il avoit faite chez les bergers : car, comme il craignoit de se gaster la main faute de s’exercer à tirer ses flèches, qui est la seule chose qui le fait valoir, il en décocha quelques-unes d’un petit arc de poche qu’il avoit ; mais c’estoit d’abord plustost en badinant que de dessein formé, comme on voit des enfans se jouer avec des sarbatanes. Un jour, il vid réjaillair à ses pieds une des flesches qu’il avoit tirées contre Landore, et, en la ramassant, il reconnut que le fer en estoit rebouché. Il n’y a rien qui choque plus ce petit mutin que la resistance ; cela fit qu’il s’opiniastra à vouloir blesser tout de bon cette insensible. Il prit les flesches les mieux acerées qu’il put trouver, et, pendant qu’elle estoit en compagnie de quantité d’honnestes gens, il luy en tira plusieurs droit au cœur. Mais, par un grand prodige, elles faisoient le mesme effet contre ce cœur de diamant que des balles qui font des bricoles contre le mur d’un tripot, et elles alloient blesser ceux qui se trouvoient aux environs. Chacun de ces blessez fit tous les efforts imaginables pour communiquer son mal à celle qui en estoit cause, et il n’y en avoit pas un qui ne deust concevoir de belles esperances, puisqu’il avoit un secours secret de ce petit dieu qui fait aymer. Cependant aucun ne put reussir ; tous les soins et toutes les galenteries qu’ils employerent ne firent que blanchir contre sa froideur. Il se trouva enfin dans la troupe un homme qui n’estoit ny bien ny mal fait, qui avoit la physionomie fort ingenue et qui monstroit tenir beaucoup du stupide. Sa taille estoit grande et menue, mais flasque et voutée ; il avoit la desmarche lente, la bouche entr’ouverte et les cheveux d’un blond de filasse, fort longs et fort droits. Ce fut derriere luy