Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/197

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quoy que bourgeoise, voyoit, comme j’ay dit, le beau monde, prit là dessus la parole et leur dit : Quand vous voudriez blâmer mademoiselle vostre fille, il ne faudroit point pour cela en accuser la frequentation de mademoiselle Angelique. C’est une maison où il hante plusieurs personnes d’esprit et de qualité, mais qui y vivent avec tant de respect et de discretion, qu’on peut dire que c’est une vraye escole d’honneur et de vertu. Mais peut estre aussi qu’une fille qui se sent de la beauté est excusable, si cet advantage de la nature luy enfle quelque peu le cœur et luy augmente cette vanité qui est si naturelle à nostre sexe. Si-tost qu’on a hanté un peu le grand monde, on y voit un certain air qui dégoûte fort de celuy des gens qui vivent dans l’obscurité. Ainsi il ne faut point trouver estrange qu’une fille jeune, qui se void recherchée de beaucoup de gens, ne veuille rien precipiter quand il est question d’un si grand engagement, et si elle attend avec patience que son merite luy fasse trouver quelque bonne occasion. J’accuserois plustost le malheur et la promptitude de mon cousin, qui n’a point du tout suivy mon conseil dans cette recherche. Au lieu de faire l’amant durant quelques jours, il a voulu d’abord faire le mary. Il falloit gagner les bonnes graces de sa maistresse par quelques visites et petits services, plustost que de la devoir toute entiere au respect et à l’obeïssance paternelle. En tout cas, s’il avoit veu qu’elle eust eû quelque aversion pour luy, il se seroit épargné la honte d’un refus si solemnel. Vous avez raison, dit Prudence (c’estoit l’oncle dont j’ay parlé, qui estoit aussi de la nopce), quand vous dites qu’il est bon que ceux qui se veulent marier ayent quelques conversations ensemble, afin que