Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/219

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loit passer seulement pour gentilhomme61, comme si ces deux qualitez eussent esté incompatibles62, encore qu’il n’y eust pas plus de trente ans que son pere fust


d’esprit pour cela. Il ne changea rien à sa première rédaction ; il continua de déclarer qu’il n’avoit pas encore lu. Comment prouver mieux qu’il ne s’étoit pas reconnu ?

61. C’étoit, en effet, un des foibles de Ch. Sorel. Ainsi, comme le constate Niceron, il prit successivement les noms de de Souvigny et de de l’Isle. Il signa même de ce dernier l’un de ses ouvrages, Des Talismans, ou figures peintes sous certaines constellations, Paris, 1636, in-8. On s’en moquoit dans le monde, et surtout dans la société des auteurs, dont Furetière faisoit alors partie, avec Boileau, Racine, La Fontaine et Molière. Il seroit même probable que celui-ci pensoit à Ch. Sorel et à son dernier pseudonyme nobiliaire quand il écrivit dans l’École des femmes (acte 1er, sc. 1re) :

Je sais un paysan qu’on appeloit Gros-Pierre,
Qui, n’ayant pour tout tien qu’un seul quartier de terre,
Y fit tout à l’entour faire un fossé bourbeux,
Et de monsieur de l’Isle en prit le nom pompeux.

La Monnoye, et d’après lui Niceron, sont en cela de notre avis, contre l’opinion de l’abbé d’Aubignac, qui pensoit, chose inadmissible, que Molière s’étoit ici moqué de son ami Thomas Corneille. V. Niceron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, t. 31, p. 391.

62. Elles passoient pour l’être en effet : « Dans le monde, dit M. Meyer, Commentaire sur les lettres persanes, p. 122, il étoit notoire qu’on dérogeoit au titre de noble en se faisant poète ou homme de lettres. » On peut consulter à ce sujet les Trois traites de la noblesse, de Thierriat (1606), au chapitre de la Dérogeance, et lire un curieux article inséré sous ce titre : Sur un ancien préjugé, dans les Saisons du Parnasse (printemps 1806), p. 218–220.