Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/259

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Belastre fut le personnage du nom duquel le traité fut remply, qui, ayant par ce moyen le titre, se vit en une plus grande difficulté d’avoir l’agrément du seigneur dont la charge dépendoit. Il se trouva qu’il avoit rendu, à l’armée, un service tres-considerable à une personne de la premiere qualité. Il n’y a rien dont les grands soient si prodigues que de sollicitations, ne se pouvant acquitter à moindres frais des vrais services qu’on leur a rendus qu’en donnant des paroles et des complimens. Le seigneur de la justice ne put refuser des provisions à Belastre, apres la priere qui luy en fut faite de la part de cet illustre solliciteur. Mais quoy qu’il eust interessé tous ses officiers, afin de ne point gaster cette sollicitation, il y en eut quelqu’un d’oublié, qui donna advis du peu d’esprit et de capacité de l’aspirant, dont il donnoit d’ailleurs assez de marques par l’aspect de sa personne.Voicy comment cette affronteuse y remedia. Elle leurra une veuve nommée de Prehaut de l’esperance d’épouser ce magistrat quand il seroit parvenu dans son estat de gloire. Celle-cy, qui estoit si affamée de mary qu’elle en auroit esté chercher en Canada94, la crut, et engagea sa


94. C’est là que l’arrêt du 18 avril 1663 envoyoit les filles affamées comme cette veuve de Préhault. Il courut plusieurs pièces et chansons sur leur départ et sur leurs adieux à la ville et aux faubourgs de Paris ; une des plus curieuses se trouve dans le livre de Bussy-Rabutin, Amours des dames illustres de notre siècle, Cologne, 1681, in-12, p. 371, 380 :

Voilà nos plaisirs qui sont morts,
Et nous en sommes aux remords.
Adieu promenades de Seine,
Chaillot, Saint-Cloud, Ruel, Suresne.