Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/268

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sant au procureur, qui s’en plaignoit : Quel tort vous fait-on de donner deffaut et dire que vous serez reassigné ? Le procureur ayant repliqué que cette reassignation n’auroit autre effet que de lui faire faire une pareille presentation, il le fit taire, et le condamna à l’amande pour son irreverance. Il condamna pareillement à l’amande un advocat qui, en plaidant devant luy contre des chartreux, pour faire le beau parleur, les avoit appelez icthyophages (voulant dire qu’ils ne mangeoient que du poisson), à cause, disoit ce docte officier, qu’il ne vouloit pas souffrir dans son siege que des advocats dissent de vilaines injures à leurs parties adverses, et surtout à de si bons religieux. Il arriva une autre fois qu’y ayant eu une cause plaidée long-temps avec chaleur, l’affaire demeura obscure pour luy, qui auroit esté fort claire pour un autre, sur quoy il se contenta de prononcer : Attendu qu’il ne nous appert de rien, nous en jugeons de mesme. Hors du siege, il ne prenoit point de connoissance des affaires ; et quand quelque amy qu’il vouloit gratifier venoit faire chez luy une sollicitation, il luy répondoit seulement en ces termes : Faites composer une requeste, je la seigneray, et je mettray : Soit fait ainsi qu’il est requis.

J’apprehende icy qu’on ne croye que tout ce que j’ay rapporté jusqu’à present ne passe pour des contes de la cigogne ou de ma mere l’oye101, à cause que cela sem-


101. On n’est pas d’accord sur l’origine du nom de ces contes, et, faute d’autre étymologie, on est obligé de s’en tenir à l’opinion de ceux qui croient qu’il s’agit ici des contes semblables à celui de la reine Pédauque, reine à la patte d’oie (V. Rabelais, liv. 4, chap. 41), ou d’adopter la version émise dans la Bibliothèque des Romans, où il est dit : « Cette expres-