Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terrement, j’en laisse le soin à l’hoste du logis où je seray decedé, me confiant assez d’ailleurs en son humanité, qui prendroit cette peine de luy-mesme, quand je ne l’en prierois point. Je m’attends aussi qu’il le fera sans pompe, sans tenture et sans luminaire, en toute humilité chrestienne, et convenablement à ma position et à ma fortune.

Item, à chacun des pauvres autheurs qui se trouveront à mon enterrement, je donne et legue un exemplaire d’un livre par moy composé, intitulé : l’Exercice journalier du poëte, dont la delivrance leur sera faite sitost que ledit livre sera achevé d’imprimer, dans lequel ils trouveront un bel exemple de constance pour supporter la faim et la pauvreté, avec une oraison tres ardente que j’ay faite en leur faveur, afin que les riches aient plus de compassion d’eux qu’ils n’ont eu de moy.

Item, je donne et legue à Claude Catharinet, mon meilleur amy et second moy-mesme, mon grand Agenda ou mon Almanach de disners, dans lequel sont contenus les noms et les demeures de toutes mes connoissances, avec les observations que j’ai faites pour decouvrir le foible des grands seigneurs, pour les flatter et gagner leurs bonnes graces, ensemble celles de leurs suisses et officiers de cuisine, esperant que, par le moyen de cet ouvrage, il pourra sustenter sa vie comme j’ay fait la mienne jusqu’à present.

Item, à tous mes pretendus Mecenas, je donne et legue la liberation de ce qu’ils me doivent pour le prix de l’encens que je leur ay fourny et livré, tant par epistres dedicatoires, panegyriques, epitalames, sonnets, rogatons, qu’en quelque autre sorte et maniere que ce soit, ne desirant pas que leur ame soit tourmentée en l’autre