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PREFACE

de la première Edition.

L n'y a jamais eu peut-être de livre qui ait pû se passer plus aisément de Preface que celuy-cy. Car les traverses qu'il a essuyées avant que de voir le jour, ont donné lieu à plusieurs escrits qui l'ont fait connoître dans le monde avec assez d'éclat, & par des traits assez bien circonstanciez, pour n'avoir plus besoin que de se produire luy-même sans aucune sorte d'Avant-propos. Cependant, comme l'on est asseuré que si l'Auteur avoit vécu jusques à cette heure, il auroit mis une Preface à la tête de son Dictionaire, l'on s'est crû obligé à se conformer à son dessein, encore qu'on se voye destitué de tout son projet, & de toutes les remarques qui auroient produit infailliblement entre ses mains un discours tout-à-fait curieux & instructif. Cette privation n'a pû nous reduire à ne pas donner quelque chose à l'intention de l'Auteur, & à la coûtume. Voicy donc une Preface.

Mais que le Lecteur ne s'attende pas à nous voir pousser des lieux communs sur l'utilité des Dictionaires. Le public est assez convaincu qu'il n'y a point de livres qui rendent de plus grands services, ni plus promptement, ni à plus de gens que ceux-là : & si jamais on a pû s'appercevoir de cette favorable disposition du public par les frequentes reimpressions, ou par la multiplicité de cette sorte d'Ouvrages, c'est sur tout en ces dernieres années ; car à peine pourroit-on compter tous les Dictionaires ou reimprimez, ou composez depuis quinze ou vingt ans, dont la plus-part ont été, & sont encore d'un debit extraordinaire. Rien donc ne pourroit être plus superflu, que d'entreprendre icy la preuve si souvent donnée par d'autres de l'utilité de cette sorte de Compilations. Mais cela même nous montre qu'on ne sauroit publier le Dictionaire de Mr. Furetiere sos de plus favorables auspices, puis qu'on le fait pendant que le monde est encore dans le fort de sa passion pour cette espece de livres.

Ce n'est pas qu'on fasse difficulté de declarer, qu'en quelque autre temps qu'il eût pû paroître, on auroit dû se flatter de l'esperance d'un tres-bon accueil. Car c'est un Ouvrage distingué avantageusement par tant d'endroits, qu'il n'y a point de depravation de goût, ou de contre-temps bizarres, contre lesquels il ne semble qu'il pourroit tenir. Comme le public en a pû juger par l'Essay que l'Auteur en distribua à Paris, & qui fut tout aussitôt reimprimé en Hollande, on se croit moins obligé de faire connoître icy au Lecteur l'importance de ce Dictionaire. On suppose avec raison sur le grand cours qu'ont eu ces fragmens & ces pieces detachées, que l'Ouvrage est dêjà si connu & si estimé, qu'il n'a plus besoin de ces favorables preventions, que les Ecrivains ou les Libraires tâchent d'inspirer dans une Preface par des denombremens artificieux, & par certains details qu'ils choisissent, & qu'ils exposent le plus avantageusement qu'il leur est possible.

On ne fera donc pas remarquer au Lecteur, que Mr. L'Abbé Furetiere ayant travaillé long-temps à composer & à polir son Ouvrage, a pû profiter des bonnes & des mauvaises qualitez d'un tres-grand nombre d'Auteurs qui l'ont precedé en ce genre de travail ; & qu'il en a pû profiter d'autant plus considerablement, que lors qu'il avoit le plus à cœur son Dictionaire, il en paroissoit souvent d'autres reveus, corrigez & augmentez : ce qui ne pouvoit manquer de le conduire aux plus justes idées de la perfection d'un tel


Ouvrage,