Page:Furetiere - Dictionnaire, 1701, T1, A-B.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PREFACE

Ouvrage, tant parce qu’il remarquoit comment on avoit remedié aux defauts des premieres Editions, que parce qu’il apprenoit des Lecteurs les plus éclairez, si on y avoit bien ou mal remedié.

On ne fera point non plus ressouvenir le public, que Mr. Furetiere a inseré dans son I. Factum une Critique sur le Dictionnaire de l’Academie, par laquelle on peut s’appercevoir clairement, qu’il découvroit jusqu’aux plus petits defauts d’exactitude. Or c’est beaucoup, qu’un Auteur se fasse des regles si severes, & en comprenne si vivement toute l’étenduë selon la plus scrupuleuse precision : car si ce n’est pas une marque convaincante qu’il les consulte aussi exactement lors qu’il compose, que lors qu’il censure le travail d’autruy, c’est du moins un prejugé en sa faveur.

On n’avertira point non plus le public, que la secheresse qui accompagne ordinairement les Dictionaires n’est pas à craindre dans celuy-ci. Car outre que la vaste étenduë, & la carriere immense que l’Auteur a choisie pour son dessein, fournit dans chaque page beaucoup de diversité, & ne permet pas que le Lecteur fasse beaucoup de chemin sans apprendre quelque chose qui en vaut la peine ; outre cela, dis-je, on a soin de donner du relief aux definitions par des exemples, par des applications, par des traits d’Histoire ; on indique les sources, on marque souvent les origines & les progrez ; on refute, on prouve, on ramasse cent belles curiositez de l’Histoire naturelle, de la Physique experimentale, & de la pratique des Arts. Ce ne sont pas de simples mots qu’on nous enseigne, mais une infinité de choses, mais les principes, les regles & les fondements des Arts & des Sciences : de sorte qu’au lieu d’amplifier l’idée de son Ouvrage, l’Auteur l’a retressie, quand il a dit en dediant ses essais au Roy, qu’il avoit entrepris l’Encyclopedie de la langue Françoise.

A quoy serviroit de dire, que la vivacité qui a paru dans ses factums, ne doit pas faire soupçonner qu’il ait manqué de la patience & de l’application phlegmatique que son entreprise demandoit ? Car la Republique des Lettres ignore-t-elle, que les François, qui semblent, à n’en juger qu’à veuë de pays, beaucoup plus propres à des études promptement expediées, qu’à celles qui demandent une longue & infatigable application, s’acquitent aussi-bien que, que ce soit du métier de compiler, quand ils s’en mêlent ? C’est ce qu’il seroit aisé de prouver par des exemples de toute nature, si c’en étoit icy le lieu. Mais sans sortir de l’espece dont il est question presentement, d’où sont venus, je vous prie, les Dictionaires de la plus penible recherche, & portez du premier coup le plus prés de la perfection, que d’un Robert Estienne, & de son fils Henry ? Où est le savant parmi les nations les plus fameuses pour l’assiduité au travail, & pour la patience necessaire à copier, & à faire des extraits, qui n’admire là-dessus les talens de Mr. Du Cange, & qui ne l’oppose à tout ce qui peut être venu d’ailleurs en ce genre-là ? Si quelqu’un ne se rend pas à cette consideration generale, on n’a qu’à le renvoyer ad pœnam libri : qu’il feuillete ce Dictionaire & il trouvera, pour peu qu’il soit connoisseur, qu’on n’a pû le composer sans être un des plus laborieux, & des plus patiens hommes du monde.

On ne nie point que l’Auteur n’ait eu des avantages qui ont manqué à ceux qui ont fait les Dictionaires des langues mortes. Car avec moins de travail il a pû savoir au juste toutes les differentes notions des mots, & les proprietez de leurs combinaisons. Chacun se peut convaincre par sa propre experience, qu’il est plus facile d’entendre à demi-mot les diverses significations des paroles en sa langue maternelle, qu’avec beaucoup de meditation


le