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souvenirs d’une actrice.

de fourrure d’une grosse cuisinière ; les autres de l’habit d’une riche marchande, et presque tous, de manteaux de satin doublés de fourrures. Les dames ne se servant de manteaux que pour se garantir du froid, les portent noirs ; mais les femmes de chambre, les marchandes, toutes les classes du peuple enfin, en font une affaire de luxe, et les portent roses, bleus, lilas ou blancs. Rien n’eût été plus plaisant (si la circonstance n’avait pas été aussi triste) que de voir un vieux grenadier, avec ses moustaches et son bonnet, couvert d’une pelisse de satin rose. Les malheureux se garantissaient du froid comme ils le pouvaient ; mais ils riaient souvent eux-mêmes de cette bizarre mascarade. Cela me rappelle une histoire assez drôle. Un colonel de la garde avait arrêté ma voiture, parce qu’il avait fait faire halte à son régiment. Mon domestique s’efforça de lui persuader que cette voiture appartenait à M. de Tintigni, neveu de M. le grand-écuyer. « Je m’embarrasse bien de cela, répondit-il, tu ne passeras pas. » Je me réveillai au bruit de cette discussion ; et sans doute qu’en ce moment le colonel m’aperçut, car il me dit : « Ah ! pardon, j’i-