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souvenirs d’une actrice.

dame de la berline. En pareille circonstance on a bientôt fait connaissance ; rien ne réunit plus vite que le malheur. « Je pense, lui dis-je, madame, que les cosaques sont très près de nous, car un officier est venu parler bas à un colonel blessé qui était dans ma calèche, et ce dernier après m’avoir balbutié quelques excuses, est monté sur son cheval, quoiqu’il pût à peine s’y tenir. » Au même instant nos gens vinrent nous dire qu’il y avait un ravin qu’il était impossible de passer en voiture, et que les cosaques étant dans les environs, il fallait monter à cheval et se sauver. Nous cherchâmes à leur inspirer un peu de courage. « Essayons au moins, leur dis-je ; il sera toujours temps, si la voiture se brise, de l’abandonner. — Venez vous-même, nous répondirent-ils, et vous verrez que cela est impossible. » Nous y allâmes, et nous convînmes qu’en effet ils avaient raison. Il y avait bien très près de là une grande route, mais les boulets la traversaient à chaque instant. Nous primes un parti décisif ; nous cheminâmes dans la neige à travers champs, car il n’y avait point de chemins battus. Les pauvres chevaux en avaient jusqu’au ventre, et ils étaient