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souvenirs d’une actrice.

dit, et nous fûmes un peu plus tranquilles pour nous-mêmes ; mais ce que nous apprenions par les domestiques de la maison, nous faisait frémir pour les autres. Des malheureux sans asile erraient dans les rues, repoussés par les habitants, qui craignaient, en les recevant, de faire piller leurs maisons, mais bientôt ils étaient dépouillés, et mouraient de froid : les rues en étaient remplies. Ce désordre dura jusqu’à l’arrivée de M. le maréchal Koutousoff, et encore ne put-il pas le réprimer entièrement.

Nous étions logés près d’un couvent de Bénédictins, et nous entendions la nuit les gémissements de ces malheureux. J’attendais que les soldats se fussent retirés, et j’allais toute tremblante voir s’il ne restait pas encore à quelques-uns d’eux un signe de vie. Hélas ! j’étais toujours trompée dans mon espoir : et lorsque j’étais de retour, on me grondait d’avoir l’imprudence de sortir ainsi, et de risquer d’attirer les soldats sur mes pas.

La maladie du jeune comte augmentait de jour en jour. Il avait pour médecin un Polonais, et le