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souvenirs d’une actrice.

Madame Piccini ôta le tablier dans lequel elle avait des cornichons qu’elle allait mettre au vinaigre, et s’approcha du piano de son mari. Lorsqu’elle commença le solo, il s’échappa de cette masse informe des sons si frais, si suaves, que pas une de ses filles, de ses petites-filles, ni de nous, n’eussent pu en faire entendre de semblables. Nous restâmes en extase ; de temps en temps je mettais ma main sur mes yeux, pour compléter l’illusion. Il me semblait entendre le chant des vierges de Sion. Elle continua ainsi toute la soirée.

« — Eh bien ! nous dit Piccini, que dites-vous de ma vieille sybille ?…

« — Qu’elle serait, répondis-je, bien capable de faire croire à ses oracles. »

Il était logé dans la maison d’un fermier-général, sur la place Vendôme ; c’était alors un luxe de ces messieurs d’offrir une noble hospitalité aux grands compositeurs.

Piccini est mort dans un état voisin de la misère. Il habitait alors l’hôtel d’Angevilliers où on lui avait accordé une retraite comme à divers artistes, pein-