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souvenirs d’une actrice.

les renouveler à Tournay. Cette ville était alors le rendez-vous des émigrés[1]. Ils ne voulurent point y admettre le créole. On lui conseilla même de n’y pas faire un plus long séjour.

Ce fut à son retour à Paris que Saint-Georges forma un régiment de mulâtres dont on le nomma colonel ; il revint à Lille au moment du siège, et son régiment se battit contre les Autrichiens. J’appris depuis que Saint-Georges et Lamothe étaient partis pour Saint-Domingue qui était en pleine révolution ; on répandit même le bruit qu’ils avaient

  1. Je revis M. de Rouhaut à Tournay, lorsque l’émigration n’était pas encore hostile, et cela me rappelle un trait assez plaisant. On jouait Richard-cœur-de-Lion. Cette pièce était toujours celle que préférait la ferveur des royalistes. Quand l’acteur chanta

     
    Ô Richard, ô mon roi,
    L’univers t’abandonne ;

    l’enthousiasme monta à un tel point d’exaspération, que ces messieurs franchirent le théâtre, M. de Rouhaut à leur tête, en criant : « Oui, nous le délivrerons ! » Et ils emportèrent en triomphe l’acteur qui jouait le rôle de Richard. Il put dire comme arlequin dans La vie est un songe  :

    Et sous cet habit mince,
    jouissons un moment du plaisir d’être prince.