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LIVRE II. LA FAMILLE.

écrit. Mais les lois qui régissaient alors les hommes ont laissé quelques traces dans le droit des époques suivantes.

Dans ces temps lointains on distingue une institution qui a dû régner longtemps, qui a eu une influence considérable sur la constitution future des sociétés, et sans laquelle cette constitution ne pourrait pas s’expliquer. C’est le droit d’aînesse.

La vieille religion établissait une différence entre le fils aîné et le cadet : « L’aîné, disaient les anciens Aryas, a été engendré pour l’accomplissement du devoir envers les ancêtres, les autres sont nés de l’amour. » En vertu de cette supériorité originelle, l’aîné avait le privilége, après la mort du père, de présider à toutes les cérémonies du culte domestique ; c’était lui qui offrait les repas funèbres et qui prononçait les formules de prière ; « car le droit de prononcer les prières appartient à celui des fils qui est venu au monde le premier. » L’aîné était donc l’héritier des hymnes, le continuateur du culte, le chef religieux de la famille. De cette croyance découlait une règle de droit : l’aîné seul héritait des biens. Ainsi le disait un vieux texte que le dernier rédacteur des Lois de Manou insérait encore dans son code : « L’aîné prend possession du patrimoine entier, et les autres frères vivent sous son autorité comme ils vivaient sous celle de leur père. Le fils aîné acquitte la dette envers les ancêtres, il doit donc tout avoir[1]. »

Le droit grec est issu des mêmes croyances religieuses que le droit hindou ; il n’est donc pas étonnant d’y trou-

  1. Lois de Manou, IX, 105-107, 126. Cette ancienne règle a été modifiée à mesure que la vielle religion s’est affaiblie. Déjà dans le code de Manou on trouve des articles qui autorisent le partage de la succession.