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CH. VI. LES DIEUX DE LA CITÉ.

laissa entraîner du côté des plus beaux temples, des plus riches légendes et des plus belles statues. Mais elle ne s’affaiblit jamais à Rome. Les Romains ne cessèrent pas d’être convaincus que le destin de la cité était attaché à ce foyer qui représentait leurs dieux. Le respect qu’on portait aux Vestales prouve l’importance de leur sacerdoce. Si un consul en rencontrait une sur son passage, il faisait abaisser ses faisceaux devant elle. En revanche, si l’une d’elles laissait le feu s’éteindre ou souillait le culte en manquant à son devoir de chasteté, la ville qui se croyait alors menacée de perdre ses dieux, se vengeait sur la Vestale en l’enterrant toute vive.

Un jour, le temple de Vesta faillit être brûlé dans un incendie des maisons environnantes. Rome fut en alarmes, car elle sentit tout son avenir en péril. Le danger passé, le Sénat prescrivit au consul de rechercher les auteurs de l’incendie, et le consul porta aussitôt ses accusations contre quelques habitants de Capoue qui se trouvaient alors à Rome. Ce n’était pas qu’il eût aucune preuve contre eux, mais il faisait ce raisonnement : « Un incendie a menacé notre foyer. Cet incendie qui devait briser notre grandeur et arrêter nos destinées, n’a pu être allumé que par la main de nos plus cruels ennemis. Or nous n’en avons pas de plus acharnés que les habitants de Capoue, cette ville qui est présentement l’alliée d’Annibal et qui aspire à être à notre place la capitale de l’Italie. Ce sont donc ces hommes-là qui ont voulu détruire notre temple de Vesta, notre foyer éternel, ce gage et ce garant de notre grandeur future[1]. » Ainsi un consul, sous l’empire de ses idées religieuses, croyait que les ennemis de Rome n’avaient pas pu trouver de moyen

  1. Tite-Live, XXVI, 27.