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CH. IX. LE ROI.

tèrent attachés à sa mémoire. On vit même en Grèce une chose qui n’est pas très-commune dans l’histoire, c’est que dans les villes où la famille royale ne s’éteignit pas, non-seulement elle ne fut pas expulsée, mais les mêmes hommes qui l’avaient dépouillée du pouvoir, continuèrent à l’honorer. À Éphèse, à Marseille, à Cyrène, la famille royale, privée de sa puissance, resta entourée du respect des peuples et garda même le titre et les insignes de la royauté[1].

Les peuples établirent le régime républicain ; mais le nom de roi, loin de devenir une injure, resta un titre vénéré. On a l’habitude de dire que ce mot était odieux et méprisé : singulière erreur ! les Romains l’appliquaient aux dieux dans leurs prières. Si les usurpateurs n’osèrent jamais prendre ce titre, ce n’était pas qu’il fût odieux, c’était plutôt qu’il était sacré[2]. En Grèce la monarchie fut maintes fois rétablie dans les villes ; mais les nouveaux monarques ne se crurent jamais le droit de se faire appeler rois et se contentèrent d’être appelés tyrans. Ce qui faisait la différence de ces deux noms, ce n’était pas le plus ou le moins de qualités morales qui se trouvaient dans le souverain ; on n’appelait pas roi un bon prince et tyran un mauvais. C’était la religion qui les distinguait l’un de l’autre. Les rois primitifs avaient rempli les fonctions de prêtres et avaient tenu leur autorité du foyer ; les tyrans de l’époque postérieure n’étaient que des chefs politiques et ne devaient leur pouvoir qu’à la force ou à l’élection.

  1. Strabon, IV, 171 ; XIV, 632 ; XIII, 608. Athénée, XIII, 576.
  2. Tite-Live, III, 39. Suétone, Jules César, 1 et 6. Cic., Républ., I, 33.