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LIVRE III. LA CITÉ.

d’Athéné poliade ? qu’il adressât un culte à Thésée ? qu’il prît part aux repas sacrés ? qu’il entretînt, comme prytane, le foyer public ? La religion le défendait. Donc la population vaincue de l’île d’Égine ne pouvait pas former un même État avec la population d’Athènes. N’ayant pas les mêmes dieux, les Éginètes et les Athéniens ne pouvaient pas avoir les mêmes lois, ni les mêmes magistrats[1].

Mais Athènes ne pouvait elle pas du moins, en laissant debout la ville vaincue, envoyer dans ses murs des magistrats pour la gouverner ? Il était absolument contraire aux principes des anciens qu’une cité fût gouvernée par un homme qui n’en fût pas citoyen. En effet le magistrat devait être un chef religieux et sa fonction principale était d’accomplir le sacrifice au nom de la cité. L’étranger, qui n’avait pas le droit de faire le sacrifice,

  1. Il n’entre pas dans notre sujet de parler des confédérations. Il est assez connu que les populations grecques et italiennes ont connu et pratiqué une sorte de système fédératif. Mais il importe de ne pas se faire une idée exagérée du lien qui pouvait les unir. Ce lien était purement religieux. Chaque confédération ou amphictyonie avait un temple commun ; les Béotiens avaient celui d’Athéné Itonia, les Achéens celui de Déméter Panachæa, les Ioniens d’Asie celui de Poséidon Héliconien, comme les Doriens celui d’Apollon Triopique. Les Cyclades offraient un sacrifice commun dans l’île de Délos, les villes de l’Argolide à Calaurie. Une des plus anciennes associations religieuses était celle de douze petits peuples, originairement voisins, qui avaient formé à une époque très-lointaine l’amphictyonie des Thermopyles. Dans toutes ces réunions il se faisait un sacrifice ; chacune des cités confédérées envoyait pour y prendre part quelques citoyens revêtus d’un caractère sacerdotal, qu’on appelait théores. Une victime était immolée en l’honneur du dieu de l’association ; les chairs, cuites sur l’autel, étaient partagées également entre les représentants des cités. Le repas commun, les chants, les prières, les jeux qui suivaient, formaient le lien de la confédération. Les mêmes usages existaient en Italie. Les villes du Latium avaient les féries latines où elles se partageaient les chairs d’une victime. Les villes étrusques formaient entre elles une association de même nature. Mais toute l’histoire prouve que cette sorte d’union religieuse avait peu d’effets en politique. L’indépendance des cités confédérées restait entière. Elles pouvaient même se faire la guerre entre elles, pourvu qu’elles observassent une trève pendant la durée de la fête fédérale.