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LIVRE III. LA CITÉ.

Le Lacédémonien Phébidas, en pleine paix, s’était emparé de la citadelle des Thébains. On interrogeait Agésilas sur la justice de cette action : « Examinez seulement si elle est utile, dit le roi ; car dès qu’une action est utile à la patrie, il est beau de la faire. » Voilà le droit des gens des cités anciennes. Un autre roi de Sparte, Cléomène, disait que tout le mal qu’on pouvait faire aux ennemis était toujours juste aux yeux des dieux et des hommes.

Le vainqueur pouvait user de sa victoire comme il lui plaisait. Aucune loi divine ni humaine n’arrêtait sa vengeance ou sa cupidité. Le jour où Athènes décréta que tous les Mityléniens, sans distinction de sexe ni d’âge, seraient exterminés, elle ne croyait pas dépasser son droit ; quand, le lendemain, elle revint sur son décret et se contenta de mettre à mort mille citoyens et de confisquer toutes les terres, elle se crut humaine et indulgente. Après la prise de Platée, les hommes furent égorgés, les femmes vendues, et personne n’accusa les vainqueurs d’avoir violé le droit.

On ne faisait pas seulement la guerre aux soldats ; on la faisait à la population tout entière, hommes, femmes, enfants, esclaves. On ne la faisait pas seulement aux êtres humains ; on la faisait aux champs et aux moissons. On brûlait les maisons, on abattait les arbres ; la récolte de l’ennemi était presque toujours dévouée aux dieux infernaux et par conséquent brûlée. On exterminait les bestiaux ; on détruisait même les semis qui auraient pu produire l’année suivante. Une guerre pouvait faire disparaître d’un seul coup le nom et la race de tout un peuple et transformer une contrée fertile en un désert[1].

  1. Tite-Live, III, 8 ; VI, 31 ; VII, 22 ; X, 15. Pline, XXXV, 12.