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CH. II. LE CULTE DES MORTS.

Aussi portaient-ils l’inscription sacramentelle Dis Manibus, et en grec θεοῖς χθονίοις. C’était là que le dieu vivait enseveli, manesque sepulti, dit Virgile. Devant le tombeau il y avait un autel pour les sacrifices, comme devant les temples des dieux[1].

On trouve ce culte des morts chez les Hellènes, chez les Latins, chez les Sabins[2], chez les Étrusques ; on le trouve aussi chez les Aryas de l’Inde. Les hymnes du Rig-Véda en font mention. Le livre des lois de Manou parle de ce culte comme du plus ancien que les hommes aient eu. Déjà, l’on voit dans ce livre que l’idée de la métempsychose a passé par-dessus cette vieille croyance ; déjà même auparavant, la religion de Brahma s’était établie. Et pourtant, sous le culte de Brahma, sous la doctrine de la métempsychose, la religion des âmes des ancêtres subsiste encore, vivante et indestructible, et elle force le rédacteur des Lois de Manou à tenir compte d’elle et à admettre encore ses prescriptions dans le livre sacré. Ce n’est pas la moindre singularité de ce livre si bizarre, que d’avoir conservé les règles relatives à ces antiques croyances, tandis qu’il est évidemment rédigé à une époque où des croyances tout opposées avaient pris le dessus. Cela prouve que s’il faut beaucoup de temps pour que les croyances humaines se transforment, il en faut encore bien davantage pour que les pratiques extérieures et les lois se modifient. Aujourd’hui même, après tant de siècles et de révolutions, les Hindous continuent à faire aux ancêtres leurs offrandes. Cette croyance et ces rites sont ce qu’il y a de

  1. Virgile, En., IV, 34. Aulu-Gelle, X, 18. Plutarq., Quest. rom., 14. Euripide, Troy., 96 ; Electr., 513. Suéton., Néron, 50.
  2. Varron, De ling. lat., V, 74.

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