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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

plus vieux dans la race indo-européenne, et sont aussi ce qu’il y a eu de plus persistant.

Ce culte était le même dans l’Inde qu’en Grèce et en Italie. Le Hindou devait procurer aux mânes le repas qu’on appelait sraddha. « Que le maître de maison fasse le sraddha avec du riz, du lait, des racines, des fruits, afin d’attirer sur lui la bienveillance des mânes[1]. » Le Hindou croyait qu’au moment où il offrait ce repas funèbre, les mânes des ancêtres venaient s’asseoir près de lui et prenaient la nourriture qui leur était offerte[2]. Il croyait encore que ce repas procurait aux morts une grande jouissance : « Lorsque le sraddha est fait suivant les rites, les ancêtres de celui qui offre le repas éprouvent une satisfaction inaltérable[3]. »

Ainsi les Aryas de l’Orient, à l’origine, ont pensé comme ceux de l’Occident relativement au mystère de la destinée après la mort. Avant de croire à la métempsychose, ce qui supposait une distinction absolue de l’âme et du corps, ils ont cru à l’existence vague et indécise de l’être humain, invisible mais non immatériel, et réclamant des mortels une nourriture et des offrandes.

Le Hindou comme le Grec regardait les morts comme des êtres divins qui jouissaient d’une existence bienheureuse. Mais il y avait une condition à leur bonheur ; il fallait que les offrandes leur fussent régulièrement portées par les vivants. Si l’on cessait d’accomplir le sraddha pour un mort, l’âme de ce mort sortait de sa demeure paisible et devenait une âme errante qui tourmentait les vivants ; en sorte que si les mânes étaient vraiment des

  1. Lois de Manou, III, 82 ; I, 95 ; III, 122, 127.
  2. Ibid., III, 189.
  3. Ibid., III, 146, 274.