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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

mon frère Oreste ; fais-le revenir en cette contrée ; entends ma prière, o mon père ; exauce mes vœux en recevant mes libations. » Ces dieux puissants ne donnent pas seulement les biens matériels ; car Électre ajoute : « Donne-moi un cœur plus chaste que celui de ma mère et des mains plus pures[1]. » Ainsi le Hindou demande aux mânes « que dans sa famille le nombre des hommes de bien s’accroisse, et qu’il ait beaucoup à donner. »

Ces âmes humaines divinisées par la mort étaient ce que les Grecs appelaient des démons ou des héros[2]. Les Latins leur donnaient le nom de Lares, Mânes, Génies. « Nos ancêtres ont cru, dit Apulée, que les Mânes, lorsqu’ils étaient malfaisants, devaient être appelés larves, et ils les appelaient Lares lors qu’ils étaient bienveillants et propices[3]. » On lit ailleurs : « Génie et Lare, c’est le même être, ainsi l’ont cru nos ancêtres[4]. » Et dans Cicéron : « Ceux que les Grecs nomment démons, nous les appelons Lares[5]. »

Cette religion des morts paraît être la plus ancienne qu’il y ait eu dans cette race d’hommes. Avant de concevoir et d’adorer Indra ou Zeus, l’homme adora les morts ; il eut peur d’eux, il leur adressa des prières. Le sentiment religieux commença par là. C’est sans doute

  1. Eschyle, Choeph., 122-135.
  2. Le sens primitif de ce dernier mot paraît avoir été celui d’homme mort. La langue des inscriptions qui est celle du vulgaire chez les Grecs, l’emploie souvent avec cette signification. Bœckh, Corp. inscript., nos 1629, 1723, 1781, 1784, 1786, 1789, 3398. — Ph. Lebas, Monum. de Morée, p. 205. Voy. Théognis, édit. Welcker, v. 513. Les Grecs donnaient aussi au mort le nom de δαίμων, Eurip., Alcest., 1140 et Schol., Eschyle, Pers., 620. Pausan., VI, 6.
  3. Servius, ad Æneid, III, 63.
  4. Censorinus, 3.
  5. Cic., Timée, 11. Denys d’Halic. traduit Lar familiaris par ὁ κατ’ οἰκίαν ἥρως (Antiq. rom., IV, 2).