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CH. II. LE CULTE DES MORTS.

dieux, ce n’était qu’autant que les vivants les honoraient d’un culte.

Les Grecs et les Romains avaient exactement les mêmes croyances. Si l’on cessait d’offrir aux morts le repas funèbre, aussitôt ces morts sortaient de leurs tombeaux ; ombres errantes, on les entendait gémir dans la nuit silencieuse. Ils reprochaient aux vivants leur négligence impie ; ils cherchaient à les punir, ils leur envoyaient des maladies ou frappaient le sol de stérilité. Ils ne laissaient enfin aux vivants aucun repos jusqu’au jour où les repas funèbres étaient rétablis. Le sacrifice, l’offrande de la nourriture et la libation les faisaient rentrer dans le tombeau et leur rendaient le repos et les attributs divins. L’homme était alors en paix avec eux[1].

Si le mort qu’on négligeait était un être malfaisant, celui qu’on honorait était un dieu tutélaire. Il aimait ceux qui lui apportaient la nourriture. Pour les protéger, il continuait à prendre part aux affaires humaines ; il y jouait fréquemment son rôle. Tout mort qu’il était, il savait être fort et actif. On le priait ; on lui demandait son appui et ses faveurs. Lorsqu’on rencontrait un tombeau, on s’arrêtait, et l’on disait : « Dieu souterrain, sois-moi propice[2]. »

On peut juger de la puissance que les anciens attribuaient aux morts par cette prière qu’Électre adresse aux mânes de son père : « Prends pitié de moi et de

  1. Ovide, Fast., II, 553. Ainsi, dans Eschyle, Clytemnestre avertie par songe que les mânes d’Agamemnon sont irrités contre elle, se hâte d’envoyer des aliments et des libations sur son tombeau.
  2. Euripide, Alceste, 1004. — « On croit que si nous n’avons aucune attention pour ces morts et si nous négligeons leur culte, ils nous font du mal, et qu’au contraire ils nous font du bien si nous nous les rendons propices à nos offrandes. » Porphyr., De abstin., II, 37. Voy. Horace, Odes, III, 23 ; Platon, Lois, IX, p. 926, 927.