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CH. VI. LES CLIENTS S’AFFRANCHISSENT.

ils devaient monter au rang de propriétaires du sol et d’hommes libres.

On peut deviner tout ce qu’il y eut d’efforts de la part du laboureur, ancien client, de résistance de la part du propriétaire, ancien patron. Ce ne fut pas une guerre civile ; aussi les annales athéniennes n’ont-elles conservé le souvenir d’aucun combat. Ce fut une guerre domestique dans chaque bourgade, dans chaque maison, de père en fils.

Ces luttes paraissent avoir eu une fortune diverse suivant la nature du sol des divers cantons de l’Attique. Dans la plaine où l’eupatride avait son principal domaine et où il était toujours présent, son autorité se maintint à peu près intacte sur le petit groupe de serviteurs qui étaient toujours sous ses yeux ; aussi les pédiéens se montrèrent-ils généralement fidèles à l’ancien régime. Mais ceux qui labouraient péniblement le flanc de la montagne, les diacriens, plus loin du maître, plus habitués à la vie indépendante, plus hardis et plus courageux, renfermaient au fond du cœur une violente haine pour l’eupatride et une ferme volonté de s’affranchir. C’étaient surtout ces hommes-là qui s’indignaient de voir sur leur champ « la borne sacrée » du maître, et de sentir « leur terre esclave[1]. » Quant aux habitants des cantons voisins de la mer, aux paraliens, la propriété du sol les tentait moins ; ils avaient la mer devant eux, et le commerce et l’industrie. Plusieurs étaient devenus riches, et avec la richesse ils étaient à peu près libres. Ils ne partageaient donc pas les ardentes convoitises des diacriens et n’avaient pas une haine bien vigoureuse

  1. Solon, édit., Bach, p. 104, 105.