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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

beurre, le miel. Il est dit : « Le brahmane ne doit pas manger du riz de la nouvelle récolte avant d’en avoir offert les prémices au foyer. Car le feu sacré est avide de grain, et quand il n’est pas honoré, il dévore l’existence du brahmane négligent. » Les Hindous comme les Grecs et les Romains se figuraient les dieux avides non-seulement d’honneurs et de respect, mais même de breuvage et d’aliment. L’homme se croyait forcé d’assouvir leur faim et leur soif, s’il voulait éviter leur colère.

Chez les Hindous, cette divinité du feu est souvent appelée Agni. Le Rig Véda contient un grand nombre d’hymnes qui lui sont adressées. Il est dit dans l’un d’eux : « O Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l’homme… Pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t’implore, la gloire et la richesse… Agni, tu es un défenseur prudent et un père ; à toi nous devons la vie, nous sommes ta famille. » Ainsi le feu du foyer est, comme en Grèce, une puissance tutélaire. L’homme lui demande l’abondance : « Fais que la terre soit toujours libérale pour nous. » Il lui demande la santé : « Que je jouisse longtemps de la lumière, et que j’arrive à la vieillesse comme le soleil à son couchant. » Il lui demande même la sagesse : « O Agni, tu places dans la bonne voie l’homme qui s’égarait dans la mauvaise… Si nous avons commis une faute, si nous avons marché loin de toi, pardonne-nous. » Ce feu du foyer était, comme en Grèce, essentiellement pur ; il était sévèrement interdit au brahmane d’y rien jeter de sale, et même de s’y chauffer les pieds. Comme en Grèce, l’homme coupable ne pouvait plus approcher de son foyer, avant de s’être purifié de sa souillure.

C’est une grande preuve de l’antiquité de ces croyances