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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Les prescriptions de l’intérêt public ne sont pas aussi absolues, aussi claires, aussi manifestes que le sont celles d’une religion. On peut toujours les discuter ; elles ne s’aperçoivent pas tout d’abord. Le mode qui parut le plus simple et le plus sûr pour savoir ce que l’intérêt public réclamait, ce fut d’assembler les hommes et de les consulter. Ce procédé fut jugé nécessaire et fut presque journellement employé. Dans l’époque précédente, les auspices avaient fait à peu près tous les frais des délibérations ; l’opinion du prêtre, du roi, du magistrat sacré était toute-puissante ; on votait peu, et plutôt pour accomplir une formalité que pour faire connaître l’opinion de chacun. Désormais on vota sur toutes choses ; il fallut avoir l’avis de tous, pour être sûr de connaître l’intérêt de tous. Le suffrage devint le grand moyen de gouvernement. Il fut la source des institutions, la règle du droit ; il décida de l’utile et même du juste. Il fut au-dessus des magistrats, au-dessus même des lois ; il fut le souverain dans la cité.

Le gouvernement changea aussi de nature. Sa fonction essentielle ne fut plus l’accomplissement régulier des cérémonies religieuses ; il fut surtout constitué pour maintenir l’ordre et la paix au dedans, la dignité et la puissance au dehors. Ce qui avait été autrefois au second plan, passa au premier. La politique prit le pas sur la religion, et le gouvernement des hommes devint chose humaine. En conséquence il arriva, ou bien que des magistratures nouvelles furent créées, ou tout au moins que les anciennes prirent un caractère nouveau. C’est ce qu’on peut voir par l’exemple d’Athènes et par celui de Rome.

À Athènes, pendant la domination de l’aristocratie,